Dans un quartier résidentiel de Châtillon dans les Hauts-de-Seine, une famille vient d’emménager dans un appartement prêté par Les Enfants du Canal. Après cinq années passées dans des logements précaires, Césarine, Charles, Christine,Grace et Daniel découvrent enfin les plaisirs simples de la vie quotidienne.
« Une histoire extraordinaire ». Christine chantonne cette dernière ballade de Charles Trenet apprise à l’école. A 6 ans, la fillette découvre pour la première fois les joies d’avoir une chambre. Un lit pour elle toute seule, une commode où ranger ses coloriages, de l’espace pour jouer et même une petite télévision.
Parmi la dizaine de dessins jonchant le sol stratifié, un seul a eu l’honneur d’être accroché au dessus de son lit : du bleu, du rouge, du orange, du gris, du vert… A l’image de Christine, vive et éclatante. Fini les « j’ai pas de chambre » ou « je ne peux pas inviter de copines ». Un soulagement pour Césarine, la mère, qui a déjà prévu les cartons d’invitation pour les six ans de son aînée, le 13 novembre 2016.

Une situation administrative compliquée
Les parents de Christine arrivent en France en 2002. Tous deux sont originaires du Cameroun. Charles, le père, vient poursuivre ses études de gestion. De son côté, Césarine, la mère, « vient chercher sa vie ». Ils se rencontrent en 2004. Christine naît en 2010 alors que ses parents sont sans domicile fixe. A trois ans, la fillette rentre à l’école mais ses parents doivent encore déménager et ne trouvent toujours pas de logement social. « Pourtant, j’ai un travail en CDI ! », s’étonne encore Césarine qui est assistante maternelle.
Et la famille n’arrive plus à sortir de l’engrenage administratif. Une situation source de stress, d’angoisse et d’incertitude propres aux familles qui vivent la même précarité. En 2013 , une enquête du Samu social estime le nombre de familles privées de logement entre 10 280 et 35 000. Un chiffre qui a explosé ces dernières années.

« Assoiffés d’un logement, on a même été victimes d’une arnaque sur Le Bon Coin. Ils nous ont pris 900 euros ! »
Grâce à une lettre du Service intégré d’accueil et d’orientation (SIAO) adressée à la préfecture, Charles obtient sa carte de séjour. Papiers en main, le couple peut se centrer sur la recherche d’un logement. La famille s’agrandit avec l’arrivée de Grace, puis de Daniel, âgés de trois ans et un an. Le SIAO met la petite famille en relation avec Les enfants du canal. L’association les accompagne dans leurs démarches pour trouver un logement décent.
En mars 2016, le couple reçoit un appel : « On n’en revenait pas, on nous proposait un logement ! », s’exclame Charles, le sourire aux lèvres. Ce nouvel appartement meublé à Châtillon (92) est prêté par Les enfants du Canal, en attendant un logement définitif. La famille réapprend à vivre dans ce nouvel espace. « Depuis 2002, c’est notre premier appartement en France », confie le couple. Après une vie sociale limitée, la mère de Christine est heureuse de pouvoir enfin recevoir ses proches sans avoir à redouter leurs regards.

A Châtillon, ils découvrent les plaisirs simples d’une vie quotidienne. « Les enfants n’avaient pas assez d’espace avant, c’était dur… Aujourd’hui, ils courent partout ! », raconte avec émotion Charles. Courir, mais aussi étaler ses jeux partout et ne plus les choisir en fonction de leur taille.
« Avant je n’achetais pas de jouets aux enfants faute de place… Juste des puzzles ou des livres. A chaque déménagement je devais en jeter pour gagner de la place »
A l’occasion de ses cinq ans, Christine a eu son premier vélo. Un vélo qu’elle peut désormais laissé en vrac dans l’appartement, comme ses autres jouets.

Pizza au micro-onde
KFC, McDonald’s, plats préparés… A l’hôtel, la famille a tout essayé. « Quand Christine voulait une pizza, je devais lui faire dans notre micro-onde car on n’avait que ça… Elle a déjà eu la diarrhée à cause de ça ! », se souvient Césarine. Pouvoir maintenant concocter ses plats préférés dans un four ravie la mère poule. Aujourd’hui, le micro-onde est toujours là, mais il a laissé un peu de place à un réfrigérateur, un grand évier, une machine à café et tout le nécessaire pour cuisiner avec envie.
« Le fait d’avoir notre propre trousseau nous a changé la vie »
Ce qui a le plus marqué Charles, c’est la remise des clefs. « La liberté » comme il le dit si bien. Aujourd’hui, plus question d’appeler toutes les deux semaines le 115 pour confirmer sa présence dans la chambre d’hôtel, comme ils avaient l’obligation de le faire. Ni même d’attendre pendant des heures que le gardien soit présent pour leur ouvrir.
Ils ont aussi découvert les joies du voisinage. Après trois mois, la famille a déjà noué des liens avec le voisin informaticien qui s’occupe de l’ordinateur quand il ne marche pas. Un seul regret, celui d’avoir loupé la fête des voisins. « On ne connaissait pas le principe comme c’est la première fois qu’on a une maison ! », ironise la mère.

« Nous allons nous marier »
Depuis son installation, la famille se projette enfin dans l’avenir. Charles cherche un emploi : « Pôle emploi m’a proposé une formation, mais je veux subvenir aux besoins de ma famille en priorité », s’inquiète-t-il. En tant qu’assistante maternelle, Césarine gagne le Smic. Un nouveau revenu leur permettrait d’obtenir un logement définitif. Mais le couple reste optimiste et évoque déjà d’autres projets personnels. « Nous allons nous marier » annoncent-ils. Un mariage à l’église, en lien avec la foi des deux amoureux. Des vacances en famille sont aussi au programme. « Peut-être en Espagne chez mon frère », espère Césarine.
